Un collectif de 156 députés, essentiellement issus de la majorité qui appelle à mieux encadrer les droits et la liberté de mourir des personnes en fin de vie, intitulé
Euthanasie : « Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps ». (Le Monde Idées du 27 février 2018)
Réponse de Didier Sicard , Professeur de médecine à l’université Paris Descartes, ancien chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin et président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008, est aujourd’hui président d’honneur du CCNE.
La tribune des 156 députés initiée par Jean-Louis Touraine parue dans Le Monde du 28 février 2018 me surprend par la faiblesse de son argumentaire.
Dans ce message parlementaire trois confusions majeures m‘apparaissent.
– Première confusion entre euthanasie et suicide assisté.
Le suicide assisté est l’absorption volontaire par la personne d‘une substance létale.
L‘euthanasie consiste en l‘injection par un médecin d’une autre substance qui entraîne la mort immédiatement. Il s‘agit de deux modes de mort différents. La Suisse par exemple continue de criminaliser l ‘euthanasie tout en permettant dans quelques cantons (7 sur 28) une assistance au suicide.
– Deuxième confusion. La sédation terminale en fin de vie n‘est pas une euthanasie.
Son moment est celui de l’impasse thérapeutique absolue, à la demande du malade ou d‘un collège de médecins en cas d’inconscience. Le médicament est très différent de ceux de l’euthanasie. L’endormissement est rapide, et la mort survient entre quelques heures et quelques jours après son usage, de façon très apaisée dans une atmosphère de sérénité de l’entourage qui ne supporte pas légitimement de voir souffrir un être aimé.
– Troisième confusion : assimiler le droit à l’euthanasie au droit à l‘avortement est irresponsable. La loi sur l‘avortement a sauvé la vie de milliers de femmes sans entraver leur liberté. Une loi sur l’euthanasie répondrait à quelques milliers de demandes qui relèvent peut être plus du suicide assisté que de l ‘euthanasie. Affirmer que la liberté des uns n’entrave pas la liberté des autres me semble faire l’impasse sur ses conséquences pour les plus vulnérables dans une société qui se veut solidaire.
La sédation inscrite dans la loi répond à l’immense majorité des cas.
Ainsi une loi sur l’euthanasie que je différencie du suicide assisté aurait pour conséquence de mettre en danger ou d‘effrayer un certain nombre de personnes fragiles, vulnérables, qui comprennent mal la liberté offerte : personnes âgées, infirmes moteurs cérébraux (qui répètent à l‘envi qu’ils sont heureux de vivre malgré notre jugement dévastateur). L ‘ensemble de ces personnes vulnérables veulent bien mourir mais pas qu‘on les tue !
Qu‘un débat serein sur la fin de vie s‘ouvre ou se réouvre, c‘est nécessaire. Mais plût au ciel que la réflexion en profondeur dénuée d’intégrisme et de militantisme soit au rendez-vous !